Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/198

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Il fut battu ; blessé ; renversé ; desarmé ;
Et bien loin d’estre plaint, il fut encor blasmé.
Le chagrin ; le despit ; la honte ; l’infamie ;
L’insuportable orgueil d’une amante ennemie ;
Le sensible mespris d’un insolent rival ;
Et le cuisant remords qui fut son plus grand mal ;
Pour avancer la fin de cette tragedie,
L’abattirent alors par une maladie,
De qui la violence, horrible en sa longueur,
Luy fit sentir des maux la derniere rigueur.
Une espaisse vapeur maligne autant que noire,
En troublant sa raison esclaircit sa memoire :
Y remit le portrait de la triste beauté,
Dont il causa la mort par sa desloyauté ;
Et fit que ce fantôme augmenta le suplice,
Dont l’equitable ciel punissoit sa malice.
Il creut qu’il le voyoit, pasle et desfiguré ;
Il creut qu’il le voyoit contre luy conjuré ;
Il poussa mille cris ; il poussa mille pleintes ;
D’un remords inutile il sentit les atteintes ;
Il vouloit l’esviter, mais inutilement,
Et le spectre en tous lieux redoubloit son tourment.
Apres avoir souffert de cette estrange sorte,
La nature à la fin se trouva la plus forte :
Et pour le tourmenter elle fit des efforts,
Qui sans guerir l’esprit firent guerir le corps.
Mais comme il ne songeoit qu’à des morts, qu’à des ombres,
Il ne sortoit jamais qu’aux heures les plus sombres :