Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/202

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Et bien loin de trouver le repos du tombeau,
Son malheureux esprit luy-mesme est son bourreau.
Je le crois comme vous, luy respond cette belle,
Mais un soin important au palais me rapelle :
Joüissez en ce lieu des charmes du matin,
Et laissons l’advenir aux ordres du destin.
A ces mots se levant le fantôme le quitte,
Et s’esloigne du prince avec toute sa suite :
Mesnageant finement, et son temps, et ses coups,
Car les plus longs plaisirs ne sont pas les plus doux.
Comme on voit en esté des estoiles errantes,
Parmy la sombre nuit briller estincelantes :
Et puis en un moment dérober à nos yeux,
Ce lumineux éclat que nous croyons aux cieux.
Telle cette beauté de tant d’attraits pourveuë,
Et se montre, et se cache, à l’amant qui l’a veuë :
Et l’adroite qu’elle est pour piquer ses desirs,
Oste et donne à la fois par de si courts plaisirs.
Cependant le bateau, dont un ange est pilote,
Favorisé du vent vogue loin de la flote :
Et sans que le demon l’ayt pû voir aprocher,
Il aborde à la fin au pied du grand rocher.
Aussi-tost le prelat par l’ordre de son guide,
Descend de ce bateau sur ce rocher humide :
Et pour executer les ordres qu’il reçoit,
Il s’avance à grands pas vers le prince qu’il voit.
Mais bien que ce vieillard soit fort cher à son maistre,
Alaric enchanté ne le peut reconnoistre :
Et le charme