Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/203

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trompeur qui l’occupe en ce jour,
Luy fait tout oublier excepté son amour.
Alors sans perdre temps, l’adroit prelat d’Upsale,
Opposant sa prudence à la ruse infernale,
Poursuit heureusement son genereux dessein :
Et feignant par respect de luy baiser la main,
Dans une humilité juste comme profonde,
Il luy tire la bague, et la jette dans l’onde.
Un bruit espouventable à l’instant retentit ;
Le palais disparoist, que le demon bastit ;
Les arbres, les ruisseaux, et leur source argentée ;
Toutes les raretez de cette isle enchantée ;
Et loin d’avoir l’aspect d’un lieu delicieux,
L’affreux et grand rocher se montre seul aux yeux.
D’Alaric estonné la raison toute libre,
Reconnoist le vieillard, et se souvient du Tibre :
Mon pere, dit le roy, le vent est-il trop fort,
Et quel est le sujet qui vous meine à mon bord ?
Seigneur, luy respond-il, vostre jugement erre :
Vous parlez de la mer, et vous estes à terre :
Mais pour voir de l’enfer les funestes efforts,
Ouvrez, ouvrez les yeux de l’esprit et du corps.
Vostre haute raison par l’enfer suspenduë,
De la bonté du ciel enfin vous est renduë :
Par elle on voit finir ce noir enchantement,
Et vostre volonté peut agir librement.
Rendez graces au dieu de toute la nature,
Qui seul vous a sauvé d’une telle avanture :
Et formez le dessein de n’avoir