Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/208

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Quoy, respond Alaric, l’on veut que laschement,
J’endure qu’on massacre un objet si charmant !
Vous qui le conseillez, craignez pour vostre vie,
Et pour vostre interest, cedez à mon envie.
A ces mots Alaric s’eslance de nouveau,
Mais on l’empesche encor de se jetter dans l’eau :
Et le sage prelat pour finir sa souffrance,
D’un ton imperieux use de sa puissance.
Esprits, dit-il alors, dont l’injuste pouvoir,
Esloigne les mortels de leur juste devoir :
Et qui pour les tromper joignez à l’artifice,
La haine industrieuse, et la noire malice :
Anges precipitez ; demons pernicieux ;
Ennemis declarez de la terre et des cieux ;
Fuyez, ne regnez plus sur une ame si grande :
C’est au nom du tres-haut que je vous le commande.
A peine a-t-il formé ce discours absolu,
Que le fantôme fuit comme il l’a resolu :
Que tout s’esvanoüit ; et que le prince proche,
Ne voit plus que le ciel, les vagues, et la roche :
Car le prelat destruit en ces spectres menteurs,
La belle Amalasonthe, et ses persecuteurs.
Comme on voit parmy l’air cette clarté subite,
De qui le prompt éclat en bas se precipite,
Passant mesme des yeux le leger mouvement,
Luire et ne luire plus, presque en mesme moment.
Ainsi des assassins la troupe sanguinaire,
Disparoist et n’a plus son estre imaginaire :
Et la feinte beauté