Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/209

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de cette vision,
Pour les yeux d’Alaric n’a plus d’illusion.
Il en est fort surpris ; il ne sçait plus qu’en croire ;
Ce pitoyable objet n’est plus qu’en sa memoire ;
Et malgré son amour, et malgré son ennuy,
Il fait en soupirant ce que l’on veut de luy :
Incertain et douteux qu’il est parmy sa peine,
Si cette Amalasonthe est veritable ou vaine :
Incertain et douteux, s’il fait ou bien ou mal,
De n’aller point apres cét objet sans esgal.
Cependant la chaloupe à rames esbranlées,
Vogue subitement sur les ondes salées :
Et lors que le soleil semble tomber dans l’eau,
Alaric se revoit sur son plus grand vaisseau.
L’on y pousse à l’instant mille cris d’allegresse ;
Chacun pour le mieux voir sur son tillac se presse ;
Tous veulent tesmoigner quel est leur sentiment ;
Tous le font en effet, mais tous confusément.
Comme on vit autresfois aux forests escartées,
Les Menades crier de fureur agitées ;
Et faire retentir les rochers et les bois,
Par le bruit esclatant de leurs confuses voix.
Ainsi des mariniers la troupe resjoüye,
Fait oüyr tant de cris qu’elle en oste l’oüye ;
Tout l’air en est esmeu ; la terre en retentit ;
Le vaisseau s’en esbranle ; et le flot en grossit.
Alors de bord en bord vole cette nouvelle ;
Alors viennent au roy tous les chefs qu’il apelle ;
Et le nom