Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tenebreux en ramenant la nuit,
Mesle au bruit de ces flots un effroyable bruit.
Le tonnerre et la vague à l’instant se respondent ;
Tout le ciel retentit de leurs bruits qu’ils confondent ;
Et la pluye, et la gresle, et les flâmes, et l’eau,
Tombent confusément sur plus d’un grand vaisseau.
D’un costé l’aquilon vient heurter un navire ;
Et de l’autre Vulturne y vient soufler son ire :
Tous les vents deschainez, changeans et furieux,
Semblent vouloir mesler la mer avec les cieux.
L’un heurte les vaisseaux, et les jette en arriere ;
Et l’autre les repousse à leur place premiere :
Tout l’art des mariniers ne leur sert plus de rien ;
Ils vont à droit ; à gauche ; et ne vont jamais bien.
Eure les piroüette, et les tourne en furie ;
Eure ce tourbillon si plein de barbarie :
Et donnant de la crainte aux plus fiers matelots,
Ils font trembler la terre, et souslevent les flots.
Ils renversent la mer jusques dans ses abysmes ;
Ils cachent des rochers les plus superbes cimes ;
Et le vent afriquain, terrible en ses efforts,
Pousse vague sur vague, et franchit tous les bords.
De cét humide vent le soufle impitoyable,
Fait voir que le deluge est possible et croyable :
Car joignant flot à flot, il y verse tant d’eaux,
Qu’il met entre deux mers ces malheureux vaisseaux.
Les cris des mariniers, et le bruit du cordage ;
La rumeur de ces vents qui souslevent l’orage ;