Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/219

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Le tonnerre qui roule, et gronde horriblement ;
L’obscure et prompte nuit qui tombe en un moment ;
Le feu de mille éclairs qui brille en ces tenebres ;
Monstrant et puis cachant tous ces objets funebres ;
Monstrant et puis cachant les perilleux rochers ;
Font trembler de frayeur les plus hardis nochers.
Ils sont transis d’effroy par la vague aboyante,
Où tombe en boüillonnant la foudre flamboyante :
Et leurs tristes vaisseaux heurtez et fracassez,
Gemissent sous les coups dont on les sent froissez.
L’on s’abandonne au vent ; l’on ameine les voiles ;
Et le pilote au ciel cherche en vain des estoiles :
Car lors que les esclairs espouventent ses sens,
Il voit le ciel tout noir, et les flots blanchissans.
Tantost la mer le cache en ses vastes abysmes ;
Tantost des plus hauts monts il surpasse les cimes ;
Et l’onde se fendant monstre en ces tristes lieux,
Le plus affreux objet qui tombe sous les yeux.
Dans ce gouffre entr’ouvert par le feu du tonnerre,
Au milieu de la mer il aperçoit la terre :
Mais cette horrible veuë augmente sa terreur,
Car il la voit si bas qu’elle luy fait horreur.
Une nuit de trois jours comme celle d’Alcmene,
Luy rend l’heure douteuse, et la route incertaine :
Il ne sçait s’il est jour ; il ne sçait s’il est nuit ;
Et ce pilote ignore où le sort le conduit.
En cent lieux differens la flote dispersée,
Erre au gré de ces vents dont elle est traversée :