Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/220

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Sans pouvoir descouvrir ny suivre l’amiral,
Car le vaisseau du roy n’avoit plus de fanal.
Ce malheureux vaisseau, sans mast et sans cordage,
Et tout brisé qu’il est par les coups de l’orage,
Reçoit l’eau dans son ventre ; et par ce flot amer,
S’enfonce trop chargé presques tout dans la mer.
Alors pour se sauver l’on jette tout aux ondes ;
L’ocean reçoit tout dans ses vagues profondes ;
Et la mer en fureur roule parmy ses flots,
Des casques, des boucliers, des tables, et des pots.
L’onde paroist tousjours plus superbe et plus fiere ;
Haut ; bas ; à droit ; à gauche ; en avant ; en arriere ;
Comme un balon bondit d’un et d’autre costé,
Ainsi le grand navire alors est balotté.
A longs serpents de feu le tonnerre qui tombe,
Leur fait voir de ces flots l’affreuse et noire tombe :
Et succombant enfin dans un si long travail,
Le pilote effrayé quitte le gouvernail.
Alaric qui le voit, y court, et prend sa place :
Et d’un cœur aussi grand comme l’est sa disgrace ;
Et malgré tous les vents ; et malgré le demon ;
Sa main, comme le sceptre, affermit ce tymon.
O prodige ! ô miracle ! ô merveille estonnante !
Sa generosité fait cesser la tourmente ;
Dieu qui la voit du ciel la veut recompenser ;
Et l’orgueil de la mer commence à s’abaisser.
Ce Dieu qui de l’enfer sçait brider la puissance ;
Luy qui de l’ocean arreste l’insolence ;