Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/228

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Ils voguent par ton ordre ; et tous mes hauts desseins,
Sont l’effet de ta voix, et l’œuvre de tes mains.
Tu commandes aux flots ; tu regnes sur les ondes ;
Tu vois de l’ocean les cavernes profondes ;
Tu gouvernes les vents ; et ta divine voix,
Aux plus fiers aquilons sçait imposer des loix.
De ces tristes vaisseaux sois donc l’adroit pilote ;
Rassemble heureusement la malheureuse flote ;
Conduits-là sans peril vers les bords d’Albion,
Et finis ses travaux, et mon affliction.
Tu n’as qu’à le vouloir, ô seigneur, pour le faire :
Tu vois en mesme temps, l’un et l’autre emisphere :
Rien ne se peut cacher à tes regards perçans :
Et tu soustiens la terre avec tes doigts puissans.
Toy seul de tout le monde ès l’unique monarque ;
Tu peux me conserver jusqu’à la moindre barque ;
Rien ne se peut sauver, ny se perdre sans toy ;
Fais donc que cette mer obeïsse à ta loy.
Il y va de ta gloire, et non pas de la mienne :
Je suis à toy, seigneur, toute ma flote est tienne ;
Nous voguons par ton ordre ; et ton seul interest,
Assemblant nos vaisseaux, sauve les s’il te plaist.
Comme on voit un navire entre deux vents contraires,
Avancer ; reculer ; sur les ondes legeres :
Ainsi du grand heros, le grand cœur incertain,
Paroist aussi douteux comme il paroist hautain :
Et la crainte, et l’espoir, et l’amour, et la gloire,
Agistent son esprit ; travaillent sa memoire ;