Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/270

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On peut vaincre Alaric ; il peut estre vainqueur ;
Et nous connoissons trop, et son bras, et son cœur.
Ainsi pour ne pas voir nostre entreprise vaine,
Passons des bords d’Espagne, aux hauts murs de Ravenne :
Et taschons d’exciter au cœur de l’empereur,
Un sentiment de gloire, ou du moins de terreur.
De là, volons à Rome ; et malgré la mollesse,
Où vit depuis long-temps le peuple et la noblesse,
Taschons de réchauffer pour nos hardis desseins,
Quelques goutes encor du vray sang des Romains.
Oüy, oüy, dit Leviathan, j’aprouve cette adresse :
Mais des bords d’Italie il faut aller en Grece :
Le foible Honorius m’est tousjours fort suspect :
Sa crainte asseurément ira jusqu’au respect :
Il n’osera branler devant un si grand homme,
Et s’il est nostre apuy, nous verrons tomber Rome :
Je connois sa foiblesse ; et son frere plus fort,
Peut mieux nous soustenir, et s’oposer au sort.
Il faut donc reünir, et l’un et l’autre empire :
Et des hauts monts de Thrace, et des rochers d’Epire,
Pour nostre grand projet tirer ces fiers soldats,
Qu’endurcit le travail parmy ces froids climats.
Oüy, prince, dit alors le flatteur Asmodée,
Tous ces conseils prudents ont une belle idée :
L’éclat de la raison brille en tous ces discours,
Mais l’œil d’Amalasonthe est un puissant secours.
Alaric est vainqueur, mais on le peut deffaire :
Elle peut faire enfin, ce qu’elle n’a pû faire :