Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/280

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Anime les soldats ; anime l’empereur ;
Et leur inspire à tous une égale fureur.
Comme on voit le chasseur comblé d’ayse et de joye,
Lors que dans ses filets il fait donner la proye :
Ainsi du fier demon les vœux sont satisfaits,
Par l’artifice adroit dont il voit les effets.
Mais durant qu’il travaille à l’important ouvrage,
Le trompeur Asmodée enclos dans un nuage,
S’envole droit à Birch, où sans corps et sans bruit,
Il voit Amalasonthe au milieu de la nuit ;
Qui pleine de soucy ; qui pleine de tristesse ;
Se tourne ; ne dort point ; et soûpire sans cesse.
L’esprit ingenieux redouble ses efforts :
De sa mere deffunte il emprunte le corps :
Il en a l’air ; la taille ; et les traits du visage ;
Il s’aproche ; il gemit ; et luy tient ce langage.
Ma fille escoute-moy ; ma fille songe à toy ;
Tu vas perdre bien-tost, et le sceptre, et le roy :
L’inconstant Alaric, te change ; t’abandonne ;
Et tu n’auras jamais son cœur ny sa couronne.
Il te quitte, l’ingrat, pour un nouvel objet :
Sur les bords d’Albion, ce roy devient sujet :
Et parmy ces rochers, une belle insulaire,
Dés le premier instant a sceu l’art de luy plaire ;
A destruit ton espoir ; a suborné son cœur ;
Effacé ton image ; et vaincu ce vainqueur.
Il faut te dire tout : les beautez de cette isle,
Ont certaine langueur dont l’atteinte est subtile :
Un merveilleux éclat ; une extrême