Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/279

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Cependant Leviathan ne perdoit pas le temps :
Et lors que Stylicon cachoit ses combatans,
Dans la nouvelle Rome avec une autre ruse,
Il estonnoit la cour, et la rendoit confuse.
Il se dit envoyé du peuple et du senat ;
Il parle d’Alaric avec un grand éclat ;
Il dit quel est ce prince ; il le peint ; il le nomme ;
Il dit qu’Honorius veut abandonner Rome ;
Et que si l’on ne suit un conseil plus prudent,
Les Goths vont renverser l’empire d’occident.
Il represente apres avec beaucoup d’adresse,
Dans le mal des Romains l’interest de la Grece :
Fait voir qu’en r’assemblant ces Grecs et ces Romains,
Le destin de l’empire est en leur propre mains :
Au lieu que separez, par leur foiblesse égale,
On les peut voir tous deux vaincus par le vandale.
Il exagere apres la haute ambition,
De cette redoutable et fiere nation,
Qui d’un climast si loin ; qui d’un bout de la terre ;
Jusques au Vatican ose porter la guerre.
Il fait qu’Arcade voit l’importance du cas ;
Il l’esbranle ; il le presse ; il ne le quitte pas ;
Enfin par ses conseils son ame irresoluë,
Voit plus clair ; s’affermit ; et la guerre est concluë.
L’empereur aussi-tost fait chois de tous les chefs :
Le Bosphore est couvert de soldats et de nefs :
Et le demon ravy du succés de la chose,
Parle ; agit ; persuade ; et jamais ne repose :