Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/283

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perd le souvenir de mon cruel soucy,
Plus leger que les vents qui l’ont osté d’icy.
Quoy donc, chaque rocher, chaque isle, chaque terre,
D’une nouvelle amour fera toute sa guerre ;
Et l’on verra partout ce superbe vainqueur,
Loin d’assujettir Rome, assujettir son cœur !
Rome ne crains plus rien, tu n’as plus rien à craindre :
Car puis qu’ainsi par tout ce heros doit se plaindre ;
Car puis qu’ainsi par tout doit tarder ce grand roy,
Il ne peut vivre assez pour aller jusqu’à toy.
Pour m’avoir pû quitter il meritoit ma haine ;
Pour m’avoir pû changer il faut une autre peine ;
Oüy, puis qu’un autre feu peut ainsi l’embraser,
C’est trop peu que haïr, il faut le mespriser.
Mesprisons, mesprisons, une telle foiblesse :
Mon cœur pour s’en fascher connoist trop sa noblesse :
Je sens que j’en rougis, l’aprenant aujourd’huy ;
Je le sens, il est vray, mais j’en rougis pour luy.
Pardonne donc, chere ombre, à mon ame outragée,
Le refus du voyage où tu m’as engagée :
Je n’iray point chercher celuy qu’il faut banir,
Indigne de ma flâme, et de mon souvenir :
Je n’iray point chercher, un cœur foible ; un faux brave ;
Qui part pour triompher, et qui revient esclave :
Qui borne sa conqueste aux rochers d’Albion ;
Qui n’oseroit voir Rome avec sa passion ;
Et qui loin d’aspirer au thrône de l’empire,
Pour un indigne objet, indignement soûpire.
Qu’il revienne l’ingrat avec