Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/284

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ce bel objet,
Car j’auray du plaisir de voir un roy sujet.
Non, foible sentiment, mon esprit te rejette :
En le voyant sujet, il me verroit sujette ;
Son rang seroit le mien ; et pour comble d’ennuy,
On me le verroit d’elle aussi bien que de luy.
Non, non, partons plutost, faisons ce long voyage :
Mais non pas pour prier, un perfide, un volage ;
Mais non pas pour tascher de regagner son cœur,
Indigne de mes soins ; digne de ma rigueur :
Mais pour tascher plutost d’avoir quelque allegeance,
Par l’illustre moyen d’une illustre vengeance :
Afin que luy perçant ce cœur malicieux,
Ma main, ma juste main, fasse plus que mes yeux.
Partons, partons enfin, puis que la chose presse :
Armons-nous, armons-nous, puis que l’on s’arme en Grece :
Voguons vers le Bosphore, et sans plus discourir,
Allons chercher à vaincre, où du moins à mourir.
A ces mots elle appelle ; et la beauté divine,
A ce hardy dessein son esprit determine :
Donne ordre à son despart sans qu’on en sçache rien ;
S’embarque, et va chercher, ou son mal, ou son bien :
Et la belle amazone emporte sur les ondes,
D’un genereux despit les blessures profondes.
Mais nous laissons dormir trop long-temps un heros :
Allons donc interrompre un si profond repos :
Et revoyant le bord de la terre albionne,
Revoyons le plaisir que sa flote luy donne :
Et suivant pas à pas tous ses soins