Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/299

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nos exploits, le fait mal à propos :
Le vent nous a vaincus, et non le roy des Goths.
Mais il n’est pas encore à la fin de la guerre :
Il a vaincu sur l’eau ; nous vaincrons sur la terre :
C’est là que l’on discerne, et le foible, et le fort ;
C’est là que chacun fait son bon ou mauvais sort ;
C’est là que la valeur acquiert une couronne,
Sans la tenir des flots ; sans que le vent la donne ;
C’est là que ce pirate aporte son butin ;
C’est là que nostre bras fera nostre destin.
Soldats, vous le sçavez, la fortune est changeante,
Et par là nous vaincrons, puis qu’elle est inconstante :
Le malheur est passé ; l’orage est diverty ;
Et qui fut contre nous, suivra nostre party.
L’aspect de nos maisons, que nous devons deffendre,
Nous fera tout oser, comme tout entreprendre :
Faisons que l’ennemy nous trouve en toutes parts,
Et soyons le rampart de nos propres ramparts.
A ces mots le demon inspire, excite, anime ;
Du plus foible soldat il fait un magnanime ;
Il redonne du cœur aux guerriers estonnez ;
Et leur fait esperer de se voir couronnez.
Comme on voit des pigeons la troupe espouventée,
Lors qu’apres sa frayeur l’espervier l’a quittée,
Se r’assembler en gros, fondre, et puis s’arrester,
Loin de cét ennemy qui les fit escarter.
Ainsi les Espagnols, loin d’un prince invincible,
Dont la vaillante main leur parut si terrible,