Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/301

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Et trente nefs de front voguent esgalement,
Et sarpent vers le bord, et viste, et fierement.
De tous les deux costez la guerriere harmonie,
Excite de nouveau la vaillante manie :
Et le vaisseau du roy vient le pavillon haut,
Comme meilleur voilier, le premier à l’assaut.
Ce prince est sur la proüe avec une rondache,
Armé d’un casque d’or, où flote un grand panache :
Faisant briller aux yeux des Espagnols confus,
Le redoutable fer dont il les a vaincus.
Le pied gauche avancé ; la main droite eslevée ;
Cette main que l’Espagne a trop bien esprouvée ;
Ramez, ramez (dit-il, dans son noble transport)
Et donnons de la proüe au milieu de ce port.
Il le dit ; on le fait ; mais avant qu’il aproche,
Il combat à couvert sous les traits qu’on décoche :
Et de tous ses vaisseaux opposant traits à traits,
Il en couvre à son tour les bataillons espais.
Ces trente nefs de front à travers ce nuage,
A force de ramer se font un grand passage :
Et donnant dans le port toutes en mesme temps,
Attachent main à main tous ces fiers combatans.
Ceux-cy veulent sauter vers ces troupes pressées,
Mais on baisse contre eux cent piques herissées :
Les uns meurent debout, mortellement percez ;
Les autres sans blessure en tombent renversez ;
L’un s’eslance à demy ; l’autre encor se consulte ;
A tous momens s’accroist l’effroyable tumulte ;