Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/332

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bien tous deux qu’elle est du sang d’Horace ;
Ne la pressez donc point de faire une action,
Indigne de l’esclat de son extraction.
Au reste, adjousta-t-elle, apres ce noble office,
Espouser un de vous seroit une injustice :
Vostre esgale vertu demande assurément,
D’un cœur reconnoissant un esgal traitement.
Oüy, je serois ingrate, avec ma gratitude,
Si pour l’un j’estois douce, estant pour l’autre rude :
Car d’un cruel arrest injustement donné,
J’en rendrois l’un heureux, et l’autre infortuné.
Apres une vertu qui me charme et que j’ayme,
Je ne le celle point, je souffrirois moy-mesme :
Et puis qu’un noble cœur ne se peut partager,
Avec pas un des deux je ne dois l’engager.
Faites encor un pas, achevez grandes ames :
Sans demander de moy de reciproques flâmes ;
Et sans vouloir d’un cœur l’inutile moitié ;
Recevez sans amour toute mon amitié.
Je vous l’offre à tous deux, et sincere, et fidelle :
En vous en contentant, monstrez vous dignes d’elle :
Et moderant l’ardeur que vous portez au sein,
Ne soyez plus rivaux qu’en ce noble dessein.
A ces mots nous jettant aux pieds de l’heroïne,
Esgalement ravis de sa vertu divine,
Nous luy dismes pourtant, sans escouter sa voix,
Que nous la conjurions de vouloir faire un choix.