Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/379

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Tient encor en suspends le sort de l’univers,
De navires Gregeois l’on voit les flots couvers :
Et l’amoureux Eutrope, en cherchant les alarmes,
De la beauté du Nord, admire encor les charmes ;
Sent encor le pouvoir de l’œil qui le vainquit ;
Et fait croistre l’amour, où sa mere nâquit.
Comme l’aigle en esté, d’une prunelle fiere,
Regarde fixement l’astre de la lumiere :
S’attache à ses rayons ; s’eschauffe à son ardeur ;
Et voit avec plaisir cette vifve splendeur.
Ainsi le brave Grec contemple Amalasonthe ;
Observe la clarté du bel œil qui le dompte ;
Ne peut se destourner de cét objet ardent ;
Le regarde sans cesse, et brusle en regardant.
Elle s’apperçoit bien de sa nouvelle flame :
Elle voit dans ses yeux briller le feu de l’ame :
Mais comme sur la flotte Eutrope a tout pouvoir,
L’orgueilleuse beauté feint de ne le pas voir.
Sa fierté toutesfois, qui se fait violence,
Luy donne du respect, et l’oblige au silence :
Et de peur d’irriter son superbe vainqueur,
A peine des souspirs eschapent à son cœur.
Cependant par le vent, et par l’art du pilotte,
Loing du Bosphore grec vogue toute la flotte :
Et de Seste et d’Abyde ayant veu le destroit,
Passe dans l’archipel, par ce fameux endroit.
Lemnos sur la main droite, alors monstre ses roches :
Lesbos comme Chio, deux isles assez proches,