Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/384

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Mettre l’effroy par tout, du feu de ses regards ;
Et du sang des vaincus, couvrir les hauts ramparts.
Mais l’eschelle rompant, aussi-tost qu’il la quitte,
Le soldat qui le suit, en bas se precipite :
Et dans le grand peril, où sa valeur l’a mis,
Le heros se voit seul, entre mille ennemis.
Il se tourne, il regarde, il gemit, il soûpire :
Et lors qu’il croit tenir la victoire et l’empire,
L’empire et la victoire eschappent de ses mains,
Car que pourroit-il seul, contre tant de Romains ?
Déja de ces fuyars les troupes raffermies,
Abaissant de leurs dards les pointes ennemies
Environnent ce prince, et malgré sa valeur,
Luy font voir clairement leur force et son malheur.
Alors pour esviter, ou sa mort, ou sa prise,
Le cœur gros du dépit de sa vaine entreprise,
Il arrache un drapeau des superbes creneaux,
Et saute, en le tenant, sur des corps sans tombeaux.
Ainsi plein de colere, et l’ame peu contente,
L’invincible Alaric, retournant dans sa tente,
Fait sonner la retraite, et retirer ses morts,
Songeant, malgré sa perte, à de nouveaux efforts.
Dans Rome cependant, le fier soldat envoye
Jusques au camp des Goths, cent et cent cris de joye :
Et ces cris redoublez, par l’echo d’alentour,
Parlent de sa victoire, et d’un si fameux jour.
Mais Rigilde adverty du secours de la Grece
Par un de ses demons, redouble l’allegresse :