Mais le bras d’Alaric abattant leur orgueil,
Ne donne pas un coup dont il n’ouvre un cercueil.
Son fer sur l’autre fer, retentit ; estincelle ;
Sur le sombre terrein, l’humide sang ruisselle :
Et le vieux chef des Grecs ne l’osant regarder,
Apres ce long combat voit bien qu’il faut ceder.
Soldats, dit-il aux siens, la resistance est vaine,
Et les Goths peuvent tout sous un tel capitaine :
En vain nous opposons à son bras nos escus,
Et nostre dernier jour apelle les vaincus.
Nous joignons vainement la force à la conduite :
Nostre unique salut despend de nostre fuite :
Nostre unique salut n’est plus que sur les eaux :
Sauve, sauve qui peut, et gagnons nos vaisseaux.
Il le dit, on le fait, et chacun se retire :
Chacun a dans l’esprit l’image d’un navire :
Et comme un foible espoir tâche à les consoler,
Tout va, tout court, tout fuit, et tout voudroit voler.
Comme on voit un nocher eschapé du naufrage,
Rendre grace au destin qui l’a mis au rivage :
Et sur l’humide bord qu’il n’a pas attendu,
Croire avoir tout gagné quand il a tout perdu.
Ainsi des Grecs vaincus l’esperance trompée,
Lors qu’ils ont esvité la foudroyante espée,
Ne peut les empescher de benir en leur cœur,
Ce qui les a sauvez de la main du vainqueur.
Cependant Alaric, animé par la gloire,
Pousse tousjours plus loin cette sombre victoire ;
Arrive aussi-tost qu’eux avec ses braves
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