Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/413

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Est-il rien de trop grand pour nos vaillantes mains,
Apres avoir vaincu les Grecs et les Romains ?
D’où voulez-vous que vienne une si grande armée ?
De quel peuple inconnu peut-on l’avoir formée ?
Quel vent l’aura poussée au rivage latin,
Sans galeres, sans nefs, et du soir au matin ?
Par le bruit que j’entends, il faut qu’elle soit grande :
Or j’ignore sa marche, et je vous la demande.
Quoy nos bateurs d’estrade, en courant ces païs,
Ont-ils esté sans yeux, ou nous ont-ils trahis ?
Non, non, mes compagnons, ils ont fait leur office :
De l’enfer impuissant, c’est un foible artifice :
Ce camp imaginaire, est formé par l’enfer :
C’est un camp fantastique, et sans gents et sans fer.
Ce n’est enfin qu’un bruit, qui ne peut rien produire ;
Ayons le ciel pour nous, l’enfer ne pourra nuire :
Il paroist sans pouvoir, paroissez sans effroy :
Et sans plus raisonner, suivez-moy, suivez-moy.
Alaric par ces mots, les force à tourner teste :
Sur les Grecs effrayez, fond encor la tempeste :
Le combat recommence, avec plus de chaleur :
Et les demons vaincus, cedent à sa valeur.
Tout ce bruit se dissipe ; et dissipant ces charmes,
L’on n’entend plus dans l’air que le seul bruit des armes :
Bruit affreux, bruit horrible, et qui bien loin porté,
Esclate dans la nuit, d’un et d’autre costé.
D’abord des vaillans Grecs les phalanges guerrieres,
Retournent au combat plus fermes et plus fieres :