Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/452

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Et tant que la nuit dure il songe aux grands exploits,
De la belle amazone, et de ces braves rois.
Mais à peine le jour vint esclairer les plaines,
Et blanchir les sommets des rochers des syrenes,
Que faisant battre aux champs il changea de sejour,
Animé par l’honneur, et poussé par l’amour.
Son ame par les deux doublement enflâmée,
Luy fit voir en un jour les feux de son armée :
Où meslant troupe à troupe, et ravy de la voir,
La belle Amalasonthe eut son premier devoir.
Injuste et bel objet, dit-il à sa maistresse,
Je viens mettre à vos pieds les despouilles de Grece :
Et presenter ensemble au maistre de mon cœur,
Les armes des vaincus, et l’ame du vainqueur.
Mais apres ce devoir, exempt de toute feinte,
Permettez à ce cœur de vous faire sa pleinte :
Puis que ne l’ayant plus, et vous l’ayant donné,
Avec peu de raison vous l’avez soupçonné.
Ha divine beauté dont j’adore les charmes,
Que vous connoissez mal le pouvoir de vos armes !
Puis que vous supposez qu’on leur peut resister,
Et que vous adorant, un cœur vous peut quitter.
Ce crime imaginaire est un crime impossible :
Pour sentir moins vos coups il faut estre insensible :
Et ne pouvant aymer ny changer qu’en perdant,
Vous bruslerez tousjours le cœur le moins ardent.
Repentez-vous, madame, et rendez-moy justice :
Connoissez mieux Rigilde, et sa noire malice :