Il destourne les yeux d’un objet esclatant,
Et ne sçauroit souffrir ce qui luy desplaist tant.
Mais comme le soir vient, la beauté sans esgale,
Est conduite avec pompe à la tente royale :
Alaric la luy cede, et cét illustre amant,
Se separe à regret d’un objet si charmant.
Le malheureux Wermond accablé de tristesse,
N’osant le regarder, se cache dans la presse :
Mais le roy le descouvre, et d’un ton obligeant,
Au lieu de l’accabler d’un reproche outrageant,
Le flatte ; le console ; et malgré sa deffaite,
N’impute qu’au destin la faute qu’il a faite.
Alors tout se retire, et dans le camp destruit,
Chacun le mieux qu’il peut, cherche à passer la nuit :
Attendant qu’à loisir les prochaines vallées,
Reparent de leur bois tant de huttes bruslées.
Cependant Alaric se couche et ne dort pas ;
Se releve aussi-tost ; se promene à grands pas ;
Pense, resve, medite, imagine en soy-mesme ;
Considere sa perte, et la connoist extrême ;
Voit cent difficultez à la bien reparer ;
Craint ; mais ne cesse pas en craignant d’esperer.
Or apres cent discours de sa raison subtile,
Enfin il se resoud d’affamer cette ville ;
De chercher les moyens de le faire à propos ;
Et d’espargner par là le sang des braves Goths.
A peine le soleil vint esclairer ses tentes,
Que faisant prendre aux siens leurs armes esclatantes,
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