Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/467

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

criminel par l’honneur combatu ;
Que pour tenter mon ame, et pour voir ma vertu.
Je ne desguise rien, dit la belle affligée ;
Je tiens la chose juste, et m’y crois obligée :
Et vous ne refusez ce genereux employ,
Que par le peu d’amour que vous avez pour moy.
Esprouvez cette amour, respond alors Valere,
(O divine Probé, sans raison en colere)
Par les plus grands perils que l’on puisse courir :
Commandez-moy plutost, de vaincre ou de mourir :
Ordonnez à mon bras, ô beauté trop aymée,
D’aller seul affronter cette puissante armée :
D’aller seul m’exposer à ce noble trespas :
Et si je ne le fais, dites, il n’ayme pas.
Mais de couvrir mon nom d’oprobre et d’infamie ;
Mais de livrer la ville à la force ennemie ;
Que je meure plutost, objet injuste et beau :
L’ombre de Scipion sortiroit du tombeau ;
Viendroit me reprocher ma honteuse avanture ;
Et me rendre execrable à la race future ;
Me redire l’amour qu’il eut pour son païs ;
Et pour les murs romains, et livrez, et trahis.
Je sens, je sens mon cœur, qui craint de vous deplaire :
Et craignant à mon tour qu’il ne veüille trop faire,
Je vous quitte, madame, et conjure les cieux,
De porter vostre esprit à me conseiller mieux.
A ces mots il la quitte, et son rival arrive :
Qui voyant cette belle aussi morte que vive,
Pressé de son devoir, et de sa passion,