Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/58

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Il ne luy souvient plus que pour elle je fis
Du throsne des Cezars, le throsne de mon fils ;
Que glorieuse en paix, que glorieuse en guerre,
Je la rendis deux fois la reyne de la terre ;
Et que pour l’eslever, j’ay fait voir par deux fois,
A ses superbes pieds les couronnes des rois.
L’ingrate me refuse un tribut legitime ;
Elle prefere à moy, l’idole de son crime ;
Et Rome l’insensée en ses affections,
Se fait autant de dieux qu’elle a de passions.
Mais il la faut payer, et mesme avec usure :
Ma longue patience a comblé la mesure ;
Le temps du chastiment est tout prest d’arriver ;
Et je m’en vay la perdre, afin de la sauver.
Il faut que dans le mal que ma main luy destine,
Elle revienne à soy, l’insolente mutine :
Et que si ma bonté m’a fait perdre son cœur,
Je le retrouve enfin par ma juste rigueur.
Oüy, superbe cité que l’on voit si changée,
Tu vas estre punie, et ma gloire vangée :
J’ay desja pris la foudre, et tu la vas sentir ;
Je le jure, dit-il, et sans m’en repentir. »
A peine a-t-il formé ces terribles paroles,
Que la terre s’esmeut, et tremble sur ses poles ;
Que l’orgueil de la mer s’abaisse en un instant ;
Et que tout l’univers fremit en l’escoutant.
Là, repassant des yeux les celestes phalanges,
L’eternel va choisir dans les neuf chœurs des anges,
L’ange