Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/59

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à qui sont commis tous les peuples du Nord,
Et luy parle en ces mots d’un ton encor plus fort.
« Volle, volle, mais tost, sans que rien te retarde,
Vers ces climats glacez, que j’ay mis sous ta garde :
Va trouver Alaric, et dis luy de ma part,
Que la gloire l’apelle, et qu’il songe au départ.
Que c’est aux bords du Tibre où l’attend cette gloire ;
Et que Rome est enfin l’objet de sa victoire :
Qu’il y vange les Goths des outrages souffers ;
Qu’il la fasse gemir, et sous ses propres fers ;
Que de tous ses faux dieux, il renverse les temples ;
Et de l’ire du ciel laissant de grands exemples,
Qu’il renverse à la fois, malgré tous ses efforts,
Les palais des vivants, et les tombeaux des morts.
Qu’il l’accable en un mot, sous ses propres murailles,
Certain de triompher par le dieu des batailles :
C’est moy qui vois la fin des projects importans :
C’est moy qui fais le sort de tous les combatans :
Qu’il suive aveuglement l’ordonnance celeste :
Qu’il marche seulement, et je feray le reste :
Je connois ton amour, et j’en suis satisfait ;
Rends toy digne du mien, et du choix que j’ay fait ».
L’ange exterminateur de l’ingratte Italie,
Se prosterne à ces mots, s’abaisse, et s’humilie :
Comme si cét esprit aussi grand qu’esclairé,
Rentroit dans le neant, d’où sa main l’a tiré.
Il part, il sort d’un lieu qui seul est souhaitable ;
Que seul on doit aimer ; et qui seul est aimable ;