Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

magnifique, et d’un si grand aspect,
Que sans ordre et sans art, il donnoit du respect.
Des masses de rocher en colomnes changées,
Au front du bastiment superbement rangées,
Sur leurs gros chapiteaux, d’esclatante splendeur,
Soustenoient la corniche, enorme en sa grandeur.
L’ordre corinthien, le tuscan, le dorique,
Et tous les cinq enfin y cedoient au gothique ;
A peine y voyoit-on la regle et le niveau,
Cependant ce palais estoit grand, riche, et beau.
Il portoit dans le ciel des tours ambitieuses ;
Des escaliers voûtez ; des sales spacieuses ;
Et des lambris dorez, à grands compartimens,
Où des festons de fleurs pendoient comme ornemens :
Mais de telle grosseur qu’on ne pouvoit comprendre,
Veu leur nombre et leur poids, qui les pouvoit suspendre.
Là, demeuroit alors, le vaillant roy des Goths ;
L’ange le trouva seul, et luy tint ces propos.
« Prince chery du ciel, esleve ton courage,
Et prepare ton bras à son plus grand ouvrage :
Le dieu de tous les roys, ô jeune et vaillant roy,
Veut que tu prennes Rome, et te l’aprend par moy.
Marche sans differer, puis qu’il te le commande :
Tesmoigne tout le cœur, que ce dessein demande :
Et sans t’espouvanter d’un coup si hazardeux,
Fais triompher les Goths, où l’on triompha d’eux.
Là, de l’ire du ciel laissant de tristes marques,
Fais que temples des dieux, et tombeaux des monarques,
Trebuchent pesle mesle, et