Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Cependant Alaric medite en son esprit,
Sur l’ordre glorieux que le ciel luy prescrit :
Il se flatte en luy-mesme, et s’excite à la gloire ;
Il cherche le chemin qui meine à la victoire ;
Il prevoit sagement les obstacles divers,
Que son bras peut trouver à vaincre l’univers ;
Il songe à surmonter ces dangereux obstacles ;
Il prepare son cœur à faire des miracles ;
Il pense à des vaisseaux ; il pense à des soldats ;
Ce grand dessein l’occupe, et ne l’estonne pas ;
Les rochers et les vents ; le cordage et les voiles ;
Les escueils et le port ; les flots et les estoiles ;
Les armes, l’attirail, et les munitions ;
Les machines de guerre, et mille inventions ;
Tout est dans cét esprit ; tout y trouve sa place ;
Enfin il songe à tout, et rien ne l’embarrasse ;
Et prest d’executer l’ordre venu des cieux,
Le plaisir de son ame esclatte dans ses yeux.
Mais comme il voit le poinct jusqu’où sa gloire monte,
L’idole de son cœur, la belle Amalasonthe,
Revient dans sa pensée, et luy fait mediter,
Que pour aller à Rome, il la faudra quitter.
A ce triste penser, il fremit ; il soûpire ;
Pour calmer sa douleur, c’est trop peu que l’empire :
Et quel que soit l’honneur qu’on luy fait esperer,
Et quel que soit son cœur, il luy faut soûpirer.
« Quoy, dit-il, tu promets de quitter ce rivage !
Et crois-tu le pouvoir, prince ingrat et volage ?
T’es-