Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/64

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tu bien consulté, lors que tu l’as promis ?
Et le crois-tu possible, et le crois-tu permis ?
Tu veux quitter l’objet dont ton ame est ravie ;
Et le pourras-tu perdre, et conserver la vie ?
Et si tu peux, ingrat, y penser seulement,
Responds à ta raison, fus-tu jamais amant ?
Connois-tu ce que vaut cette illustre personne ?
La dois-tu balancer avec une couronne ?
Car si tu connois bien l’objet d’un si beau feu,
L’empire de la terre est encore trop peu.
Songe, songe aux plaisirs que l’on trouve aupres d’elle ;
Si son esprit est beau ; si son ame est fidelle ;
Et s’il faut preferer au supréme bonheur,
Une ombre, une fumée, un chimerique honneur.
Avec elle, sans rien, ton sort est desirable :
Sans elle avecques tout, tu seras miserable :
Et la fortune mesme, avec tous ses thresors,
Ne sçauroit te payer son esprit et son corps.
Cent fois lors que le sceptre et le soin des provinces,
T’avoient comme accablé sous le fardeau des princes ;
Fardeau qui lasseroit Alcide l’indompté ;
Fardeau qui n’est connu qu’apres l’avoir porté ;
Un seul de ses regards, par sa puissante amorce,
T’a rendu le courage, et restably ta force :
Un seul de ses regards, dans ton cœur desolé,
A fait cesser ta peine, ou t’en a consolé.
Tous tes maux sont les siens ; tes plaisirs sont sa joye ;
Son cœur est satisfait, pourveu qu’elle te voye ;