Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/68

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Ce que fit Hanibal, Alaric le fera :
Et mesme plus que luy, car Rome servira.
Secondé de vos bras, rien ne m’est impossible :
Le sommet des rochers, par eux m’est accessible :
Et du sentier penible, enfin trouvant le bout,
Nous fondrons en torrent, et ravagerons tout.
L’aigle, l’aigle superbe, apres tant de rapines,
De nos cuisans malheurs, sentira les espines :
Et ce fameux oyseau, foible, las, et confus,
Tombera sous nos coups, et ne vollera plus.
Mais vous diray-je tout, et qui nous favorise ?
C’est Dieu seul qui m’engage, à ma haute entreprise :
Un ange m’est venu (j’en atteste les cieux)
Commander de partir, et de quitter ces lieux.
A la grandeur des Goths, ne mettons point d’obstacle :
Suivons, suivons la voix de ce divin oracle :
Allons en Italie, où l’honneur nous attend :
La gloire est le seul but où tout grand cœur pretend :
Et c’est aux bords du Tibre où l’on voit cette gloire :
C’est là que le triomphe acheve la victoire :
Oüy, c’est là que vos bras se pourront signaler :
C’est là qu’est le peril, c’est là qu’il faut aller. »
Il finit par ces mots, et toute l’assemblée,
Au grand nom des Romains, paroist assez troublée :
Et le voyant si ferme au dessein qu’il a pris,
L’importance du fait suspend tous les esprits.
Tout le senat observe un assez long silence :
Mais enfin le prelat se faisant violence,
Et du zele qu’il