Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/67

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Prirent tous deux le rang qu’ils y tenoient tousjours,
Alaric monte au thrône, et leur fait ce discours.
« Vous de qui je connois la prudence et le zele,
Illustres senateurs, troupe sage et fidele,
Qui m’aydez à porter le fardeau de l’estat,
Avec assez de force, avec assez d’esclat.
Prestez à mes propos une oreille attentive :
Allumez dans vos cœurs une ardeur noble et vive :
Et preparez vos bras au plus hardy dessein,
Que l’amour de la gloire ayt mis dans vostre sein.
Ce que j’ay dans l’esprit, est au-dessus de l’homme :
Tout autre trembleroit, au seul penser de Rome :
Mais l’objet de sa crainte, est l’objet de mes vœux ;
Vous le diray-je enfin ? C’est Rome à qui j’en veux.
Rome de qui l’orgueil tyrannisa la terre ;
Rome qui sur nos bords osa porter la guerre ;
O honteux souvenir des outrages souffers !
Rome qui nous vainquit, et qui nous mit aux fers.
De la honte des Goths, allons tirer vengeance :
Oüy, faisons trébucher sa superbe puissance :
Et si nous aspirons à nous voir couronner,
Reportons luy ses fers, afin de l’enchaisner.
Oüy, sur le mesme char que nos peres suivirent,
Faisons porter ces fers à ceux qui les y mirent :
Des tyrans de la terre allons courber le front,
Et vanger l’univers, en vangeant nostre affront.
Les ramparts eternels, des Alpes qui les couvrent,
N’ont rien de si fermé, que les grands cœurs ne s’ouvrent :