Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/72

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Coustera moins de sang ; et vos braves guerriers,
Avec moins de travail, auront plus de lauriers.
Les roys, peres du peuple, aussi bien que monarques,
D’un amour paternel doivent donner des marques :
Et preferer tousjours, avec affection,
Le repos de ce peuple à leur ambition.
De plus, l’esloignement des roys et des grands princes,
A des soulevemens expose leurs provinces :
L’œil d’un maistre puissant, y tient tout en devoir ;
Mais pour le respecter, seigneur, il le faut voir.
Contentons-nous plutost du haut rang où nous sommes,
Sans espuyser l’estat, d’argent, d’armes, et d’hommes :
Regner sur soy, seigneur, c’est proprement regner :
Et gardons de tout perdre, en voulant tout gagner. »
Comme il en estoit là, le vaillant Radagaise,
Qui dans tout ce discours n’entend rien qui luy plaise,
D’une noble fierté se colore le front,
Et hardy comme il est, se leve, et l’interrompt.
« L’excès se peut trouver, dit-il, en la prudence :
La sagesse des Goths consiste en leur vaillance :
Et par cette valeur qui leur fait tout oser,
Ils forcent la fortune à les favoriser.
Oüy, cette noble audace est souvent couronnée,
Et tout cœur genereux, se fait sa destinée :
Rome nous a vaincus, nous la vaincrons aussi,
Et nous reüssirons, comme elle a reüssi.
La victoire dans Rome, est superbe, et hautaine :
S’il la faut chercher loin, elle en vaut bien la peine :