Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/80

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Si j’en veux aux Romains, c’est pour vous meriter ;
Et pour ce seul honneur, j’ose et veux vous quitter.
Le sceptre que je porte, adorable cruelle,
N’a pas assez d’esclat, pour une main si belle :
Et je veux en despit des fleuves et des mers,
Aporter à vos pieds celuy de l’univers.
Oüy, mon thrône est trop bas, pour oser vous y mettre :
Je le veux eslever, veüillez donc le permettre :
Et sans me faire voir cét injuste courroux,
Souffrez que j’aille vaincre, et par vous, et pour vous.
Non, non, ne soyez point à vous nuire obstinée :
De vos yeux tous puissans, faites ma destinée :
Le sort, assurément, vos volontez suivra :
Souhaittez que je vainque, et ma valeur vaincra :
Rome, la grande Rome, à qui tout rend hommage,
Si vos vœux innocens secondent mon courage,
Tombera sous le bras que vous animerez ;
Enfin j’iray combattre, et vous triompherez. »
« Ce discours, luy dit-elle, est digne de vostre ame :
Il fait voir vostre cœur, mais non pas vostre flâme :
Et de quelques couleurs que vous l’ayez orné ;
Et bien que mon esprit soit mesme assez borné ;
Vous paroissez tousjours à travers ce faux zele,
Hardy, brave, vaillant, mais amant peu fidele :
Et l’on voit aisément qu’en vostre passion,
Vous bruslez, non d’amour, mais bien d’ambition.
Ce grand cœur suit par tout sa grande et belle idole ;
Mesme avant que partir, il monte au Capitole ;