Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/81

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Il ne voit que des chars ; des thrônes renversez ;
Et des arcs de triomphe, à sa gloire dressez.
Il ne voit que lauriers ; il ne voit que couronnes ;
Il laisse la constance aux vulguaires personnes ;
Pour les cœurs eslevez, ce sentiment est bas ;
Ils n’ayment que le feu, le sang, et les combats ;
Le meurtre, le carnage, et les villes forcées ;
Et ces cœurs, ces grands cœurs, n’ont point d’autres pensées.
Mais voulez-vous, seigneur, sçavoir quel est le mien ?
Ce fier, cét orgueilleux, se croit un si grand bien,
Qu’il est persuadé (mais peut-estre qu’il erre)
Qu’on doit perdre pour luy, l’empire de la terre :
Et qu’enfin pour luy seul un roy doit tout quitter,
S’il veut, tout roy qu’il est, le pouvoir meriter. »
« Ha, respond Alaric, je croy ce que vous dites !
L’univers, quoy que grand, à pourtant des limites ;
Mais dans ce noble cœur les vertus n’en ont point,
Et pres de ces vertus, la terre n’est qu’un poinct.
Aussi je vous proteste (et je suis veritable)
Que l’empire absolu de la terre habitable,
Quoy que l’ambition ait des charmes fort doux,
Seroit encor trop peu pour m’esloigner de vous. »
« Mais le ciel... mais le ciel, interrompt cette belle,
Est le pretexte faux que prend un infidelle :
Son crime desguisé de ce nom specieux,
Avec peu de raison croit abuser mes yeux.
Non, non, le juste ciel n’est point l’autheur des crimes :
A peine souffre-t-il les guerres legitimes :