Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/87

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Fait retentir la roche, et d’un ton gemissant,
Imprime la frayeur en l’ame du passant.
Or Rigilde tenoit dans ces lieux solitaires,
Tout ce qui luy servoit aux magiques mistheres :
Ses livres, ses parfums, ses pierres, ses metaux ;
Les poudres et les sucs de mille vegetaux ;
Des images de cire ; un horrible squelette ;
Des anneaux enchantez ; sa fatale baguette ;
Des flambeaux de resine, et divers instrumens ;
Des vases destinez aux noirs enchantemens ;
Des venins, des poisons, et mille horribles choses,
Par qui tous les sorciers font leurs metamorphoses,
Lors qu’ils changent leurs corps en des corps estrangers,
Pour perdre les troupeaux, sans craindre les bergers.
A peine est-il entré, qu’aussi-tost il allume
Un grand et noir flambeau qui luit moins qu’il ne fume :
Et dont le sombre esclat augmente la terreur,
Que donne un lieu si triste, et si remply d’horreur.
Il prend et sa baguette, et son livre magique,
Dont l’infernal pouvoir est si souvent tragique :
Et sur un sable noir, dans la grote semé,
Maint carractere affreux par sa main est formé.
Ce qu’à de plus puissant la cabale infernale,
Le cercle, le carré, le triangle, et l’ovale,
S’y meslent l’un dans l’autre, et sont si confondus,
Qu’à peine par luy-mesme ils sont bien entendus.
Il prononce des mots inconnus et terribles,
Capables d’esmouvoir les choses insensibles :