Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/89

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Et Rigilde observant un silence profond,
Une voix souterraine en ces mots luy respond.
Pour plus d’une raison le tenebreux monarque,
Du pouvoir de ton art t’accorde cette marque :
Et certains interests que tu ne comprens pas,
Font qu’avec toy l’enfer marche d’un mesme pas.
Pour destruire Alaric, il n’est rien qu’il ne tente :
Travaille de ta part à l’affaire importante :
Certain que des esprits l’invisible secours,
En cette occasion t’assistera tousjours.
Mais pour te descouvrir ce que ton cœur ignore,
Celuy que haït l’enfer, et que le ciel adore,
Enfle encore l’orgueil de cét ambitieux,
Et si l’enfer combat, il combattra les cieux.
Il n’importe pourtant ; et pour un grand courage,
De la difficulté, vient l’honneur de l’ouvrage :
Ose tout ; tente tout ; incapable d’effroy,
Mille esprits immortels vont combattre pour toy.
Là recommence encor ce tonnerre qui gronde :
Là de nouveaux esclairs, de la grote profonde
Chassent l’obscurité durant quelques momens :
Là de nouveaux soûpirs ; de longs gemissemens ;
Une seconde fois font retentir la roche :
Mais comme du soleil la lumiere s’aproche,
Rigilde se servant des restes de la nuit,
Par le mesme chemin, loin du monde et du bruit,
Porté par son demon, sans nulle violence,
Aussi viste qu’un traict, vole avec le silence :