Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/94

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Une sombre forest s’esleve jusqu’aux cieux,
Qu’elle semble morguer, d’un derrière audacieux.
Du pied jusqu’au sommet, ces montagnes sont vertes ;
De superbes sapins, leurs cimes sont couvertes ;
Et le chesne à cent bras, par ses rameaux si longs,
Y sauve du soleil la fraischeur des vallons.
Les ormes au bois dur ; les pins au bois qui fume ;
Et mille arbres encor, plus grands que de coustume,
Par l’extrême grosseur de tant de rameaux vers,
Font juger qu’ils sont nais avecques l’univers.
En cent et cent façons, leurs branches s’entre-lacent ;
Les lierres rampans, sur leurs troncs qu’ils embrassent,
D’un vert sombre et luisant, au jaspe tout pareil,
Ornent cette forest d’un pompeux apareil.
Aux clairs rayons du jour, elle est impenestrable ;
Sa fraischeur est charmante, et son ombre agreable ;
Et tant que l’esté dure, on entend les zephirs,
Pousser dans ce desert, leurs amoureux soûpirs.
Il semble que ces vents l’un l’autre s’y provoquent ;
La forest leur respond ; ses rameaux s’entre-choquent ;
Et cét aymable bruit, trouble seul quelquesfois,
Le silence profond, qui regne dans ces bois.
Que dis-je ! Il n’est pas seul ; un autre bien moins rude,
Esclate comme luy dans cette solitude :
Mais c’est un bruit si doux, qu’il y charme les sens,
De ceux qui vont resver dans ces lieux innocens.
Du chant de mille oyseaux, ces vallons retentissent ;
Sous ces arbres espais, mille animaux bondissent ;
Et l’herbe et