Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/97

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Il heurte ; il fait tomber ; il estouffe en pressant ;
Il mord ; et de sa griffe il deschire en passant ;
Il lance des cailloux, et les jette en arriere ;
Mais avec tant d’effort ; mais de telle maniere ;
Qu’ils entrent dans un arbre aussi facilement,
Qu’on voit entrer la rame, au liquide element.
D’abord quelques seigneurs, s’opposent à la beste ;
D’abord quelques soldats, luy veulent faire teste ;
Luy presentent leurs dards, et font ferme un instant ;
Mais si cent l’osent faire, elle en renverse autant.
Elle marche debout ; elle saute ; elle crie ;
Elle brise ces dards, foibles pour sa furie ;
Tout s’escarte ; tout fuit ; et dans un tel effroy,
Tout songe à se sauver, et nul ne songe au roy.
Luy, dans ce grand peril, d’un courage intrepide,
Presente son espée, à la beste homicide ;
Puis eslevant son cœur, aussi bien que ses yeux,
J’espere tout de vous, dit-il, moteur des cieux.
O miracle estonnant ! Le ciel veut ce qu’il pense ;
Ce grand acte de foy, trouve sa recompense ;
Dieu suspend du demon, l’horrible cruauté ;
Et l’animal n’a plus que sa seule fierté.
Toute seule qu’elle est, elle est encore grande :
Mais de cette façon un heros la demande :
Plus un peril est grand, plus il plaist à son cœur,
Et ce n’est que par luy qu’il veut estre vainqueur.
Il s’avance à grands pas, vers la beste en colere ;
Elle s’avance aussi, faisant ce qu’il veut faire ;