Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/98

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Elle saute, il esquive ; il la presse, elle fuit ;
L’art enseigne le roy ; la nature l’instruit ;
La force est differente, et l’adresse est esgale ;
La valeur raisonnable, et la fierté brutale,
Disputent à l’envy, ce dangereux laurier,
Qui doit estre le prix, du monstre ou du guerrier.
Cét ours tout de nouveau, prend et jette des pierres,
Qui volent en bruyant, ainsi que des tonnerres ;
Le heros les esvite, et comme il est levé,
Le fer victorieux, dans son sang est lavé.
Il le choisit au ventre, où la peau n’est pas dure ;
La beste jette un cry, pour le mal qu’elle endure ;
Elle bondit en l’air, où perdant sa vigueur,
Elle retombe morte, aux pieds de son vainqueur.
Or comme il voit sa peine, et sa gloire accomplie,
Loin de s’enorgueillir, ce heros s’humilie :
Il croit que le ciel seul l’a sauvé du trespas ;
Il croit que son salut ne doit rien à son bras ;
Et sçachant qu’à Dieu seul, est l’honneur et la gloire,
Ce grand prince à luy seul, consacre sa victoire ;
Et reconnoist tenir de sa seule bonté,
L’avantage esclattant, de l’animal dompté.
Alors tout plein de joye, aussi bien que de zele,
Il marche dans le bois ; il fait bruit ; il apelle ;
La troupe se rassemble, au sombre pied d’un mont ;
Mais la honte en l’esprit, et la rougeur au front.
Ce prince genereux, qui connoist leur foiblesse,
Loin de les mal-traitter, les flatte, les carresse ;