Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/13

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où reposait peut-être quelque vieux Nestor du désert. Ces monuments, quoique sans inscription pour raconter de hauts faits ou transmettre des noms à la postérité, sont le tribut d’un cœur affectueux, le témoignage muet du respect que l’Indien porte à la mémoire d’un père ou d’un ami, et du prix qu’il attache à la gloire de ses ancêtres. Quelques troupeaux de buffles, de nombreuses bandes de cerfs, des chevreuils de différentes espèces que notre approche mettait en fuite, furent les seules distractions aux fatigues du voyage.

Pour camper, on choisit des lieux où abonde l’herbe fraîche  ; c’est ordinairement sur les bords d’un ruisseau ou d’un étang d’eau douce. Il faut de plus pourvoir à la sûreté de ses chevaux pendant la nuit. Pour prévenir tout accident, on les enfarge, — c’est l’expression de nos voyageurs canadiens, — c’est-à-dire on leur lie les deux pieds de devant, afin de les empêcher de trop s’éloigner du camp. Deux ou trois hommes font la garde contre les surprises des sauvages, trop justement reconnus pour les plus habiles voleurs de chevaux. Ces sentinelles nous protègent en même temps contre les attaques des ours et des loups, qui infestent le désert, et qui rôdent incessamment dans le voisinage des campements. Les chevaux, à leur vue, s’effrayent et s’enfuient si l’on n’a pas pris les précautions nécessaires. Il arrive même assez souvent que toutes nos mesures sont inutiles. C’est ainsi que nous perdîmes, un jour, un bel étalon d’un