Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/252

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revenu à mes sens  ; je vous ai tout dit.[1]  » Ainsi parla cet homme extraordinaire.

Avant de continuer l’étrange histoire de Tchatka et de ses prédictions, il est nécessaire de vous faire observer qu’il avait su gagner et attacher à sa personne plusieurs jeunes gens actifs et les meilleurs coureurs du camp. C’est par eux qu’il apprenait en secret toutes les nouvelles et recevait toutes les informations qu’ils pouvaient recueillir soit sur la chasse, soit sur la proximité, le nombre, la position des ennemis. Dès que le jongleur est au fait de ces choses, il commence sa médecine ou ses incantations, et prophétise ensuite devant le peuple  ; celui-ci ne se doute pas de la fourberie et ne trouve que du surnaturel dans tout ce qui sort de la bouche de l’imposteur.

Mais continuons notre récit. Le discours de Tchatka avait produit l’effet désiré sur l’auditoire. Ces sauvages nourrissaient une haine mortelle contre les Pieds-Noirs  ; haine transmise de père en fils et augmentée par des agressions et des représailles continuelles. On peut se faire une idée de

  1. Plusieurs des tribus indiennes célèbrent, vers la fin de l’hiver, la Fête des Songes. Les cérémonies se prolongent souvent de dix à quinze jours. On pourrait plutôt les appeler des bacchanales ou Carnaval, auquel les sauvages eux-mêmes appliquent le nom de Fête des Insensés. Ce sont des jours de grands désordres, où tout ce qu’ils rêvent ou prétendent avoir rêvé doit s’exécuter. Les danses, les chants et la musique forment les principaux éléments de la fête.