Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/33

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même usé d’un système de châtiment qui couvre à jamais d’infamie la tribu qui en a éprouvé les effets ; ils avaient chassé les Ogallallas avec la verge et le bâton. Ce qui signifiait, selon eux, que leurs adversaires ne valaient ni le plomb ni la poudre qu’il aurait fallu employer pour les mettre à mort. Une défaite si honteuse décourage l’Indien, et il n’ose plus se présenter devant un tel ennemi.

Dans cette affaire, le chef de la peuplade vaincue, nommé le Poisson-rouge, avait perdu sa fille, prisonnière des Corbeaux et conduite par eux en captivité. Triste et humilié, il quitta les loges de sa tribu, que la perte de son honneur et la mort de tant de guerriers plongeaient dans le deuil et l’affliction. Ce fut le lendemain de mon arrivée au Fort-Pierre qu’il s’y présenta lui-même. L’objet de son voyage était d’obtenir, par l’entremise des officiers du fort, la liberté de sa fille ; il offrait pour sa rançon quatre-vingts belles robes de buffle et ses meilleurs chevaux. Dans la visite qu’il me fit, tenant ma main serrée dans les siennes, les larmes aux yeux et le cœur brisé par la douleur, il m’adressa ces paroles souvent interrompues par ses sanglots : « Robe noire, je suis un père bien malheureux. J’ai perdu ma fille bien-aimée. Aie pitié de moi. J’ai appris que la médecine (la prière) des Robes noires est puissante auprès du Grand-Esprit. Parle au Maître de la vie en ma faveur, et je conserverai encore l’espoir de revoir mon enfant. »