Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inexorable douanier exigeait son tribut ; et bon gré mal gré, il devait être rendu jusqu’à la dernière obole. Or, remarquez-le bien, le tribut se paye en sens contraire de l’ordre du repas : on a quitté la table après s’être régalé de dessert ; eh bien, Neptune vous demande d’abord les amandes et les noisettes, les raisins et la tarte, ensuite le jambon ou la langue, puis le poulet et le rôti ; et il ne vous laisse en repos que lorsque vous lui avez donné l’assiettée entière de votre soupe.

Moi-même, quoique j’en fusse à ma onzième traversée de l’Atlantique, je ne me trouvai pas exempt de payer le tribut fatal. J’aurais voulu faire une réclamation auprès de papa Neptune ; mais tous mes efforts n’auraient abouti à rien. Je m’y suis donc soumis humblement et j’y ai passé comme le commun des mortels. Toutefois, j’en ai été quitte après un ou deux versements. L’ancien proverbe dit que les choses violentes ne durent pas ; aussi les débiteurs se remirent insensiblement de leur fatigue, et nous n’eûmes aucun décès à déplorer. Nous avions à bord un excellent docteur, M. Thémon. Il était sur pied nuit et jour, et prodiguait ses soins indistinctement à tous les malades.

La dette une fois payée, on en oublie vite l’inconvénient. Depuis ce jour, nous eûmes un temps assez favorable : les vents étaient bien un peu contraires ; mais la mer était relativement calme et tranquille, jusqu’à ce que nous arrivâmes à la distance environ de six journées du port de New-York.