Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/358

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J’eus la grande consolation de dire la sainte messe tous les jours dans ma cabine. Mes jeunes compagnons s’approchaient fréquemment de la sainte table, et plusieurs des émigrants eurent le même bonheur. Vous eussiez été édifié en voyant notre petit autel, proprement orné et surmonté d’une belle statuette de la sainte Vierge, environnée d’une guirlande de fleurs, que plusieurs dames hollandaises avaient ôtées de leurs chapeaux. Le dimanche, je disais la messe dans le grand salon, où plus de cent personnes pouvaient convenablement prendre place  ; plusieurs protestants avaient demandé à pouvoir y assister. On y chantait des cantiques en français, en latin, en hollandais et en allemand. C’était certainement un beau spectacle et rare sur l’Océan, bien plus accoutumé à entendre des blasphèmes que les louanges de Dieu.

Le 2 mai, dans les environs des bancs de Terre-Neuve, la mer se couvrit d’un épais brouillard. Il continua pendant quatre jours, de telle sorte que le capitaine ne parvenait à faire aucune observation. On ne pouvait rien distinguer à quelques pas du bateau. Les malheurs du Lyonnais et de l’Arctic étaient encore récents.[1] Nous étions dans un continuel danger de faire collision avec quelque voilier qui voguait sur la même route. Aussi, par précaution, le grand sifflet de la machine se fit-il

  1. Deux bateaux à vapeur qui en 1856 firent naufrage sur les côtes de Terre-Neuve et perdirent un grand nombre de leurs passagers. (Note de la présente édition.)