Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/369

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saient contre ses épaules. Le poteau des braves fut planté devant lui, avec les cérémonies, les chants, les discours funèbres d’usage eh pareille circonstance. Ses compagnons vinrent lui faire leurs derniers adieux. Personne enfin n’avait le moindre doute sur la mort glorieuse du Grand Chef. S’était-on trompé  ? Voyons la suite de cette singulière légende  !

Le Chef, privé de la parole et de tout moyen de donner signe de vie, entendait distinctement les chants, les discours, les cris, les lamentations de ses guerriers. Il était témoin de leurs gestes, de leurs danses et de toutes leurs cérémonies autour du poteau d’honneur. Sa main glacée était sensible à la poignée amicale d’un ami qui venait la serrer  ; ses joues blêmes, ses lèvres livides sentaient l’effusion et la chaleur des accolades d’adieu, sans qu’il eût la force de les rendre. Se voyant ainsi paralysé et abandonné, son angoisse devint aussi extrême que le désir qu’il éprouvait de suivre ses compagnons dans leur retour au village. Lorsqu’il les vit disparaître les uns après les autres, son esprit l’agita de telle manière qu’il fit un mouvement violent  ; il se leva, ou plutôt sembla se lever, et se joignit à eux. Sa forme leur restait invisible. C’était pour lui une nouvelle cause de surprise et de contrariété, qui excitait à la fois sa désolation et son désespoir. Il se détermina à les suivre de près. Partout où ils allaient, il y allait aussi. Lorsqu’ils marchaient, il marchait  ; soit au pas soit à la course, il