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DE L’IMITATION DE L’ESPRIT FRANÇAIS

dans le monde ; il en résultoit qu’ils ne s’adoucissoient point par l’entretien des femmes, et restoient à la fois timides et rudes, dédaignant tout ce qu’on appelle la grâce et craignant cependant en secret d’en manquer. Sous prétexte des occupations militaires, ils ne cultivoient point leur esprit et ils négligeoient souvent ces occupations mêmes, parce qu’ils n’entendoient jamais rien qui pût leur faire sentir le prix et le charme de la gloire. Ils croyoient se montrer bons Allemands en s’éloignant d’une société où les étrangers seuls avoient l’avantage, et jamais ils ne songeoient à s’en former une capable de développer leur esprit et leur âme.

Les Polonais et les Russes, qui faisoient le charme de la société de Vienne, ne parloient que français et contribuoient à en écarter la langue allemande. Les Polonaises ont des manières très-séduisantes ; elles mêlent l’imagination orientale à la souplesse et à la vivacité de l’esprit français. Néanmoins, même chez les nations esclavonnes, les plus flexibles de toutes, l’imitation du genre français est très-souvent fatigante : les vers français des Polonais et des Russes ressemblent, à quelques exceptions près, aux vers latins du moyen âge. Une langue étrangère est toujours sous beaucoup