Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
DE L’ESPRIT DE CONVERSATION

passer de bonheur[1] » : c’est sous ce rapport qu’il convient si bien à la pauvre espèce humaine ; mais rien ne sauroit faire qu’une ville d’Allemagne devint Paris, ni que les Allemands pussent, sans se gâter entièrement, recevoir comme nous le bienfait de la distraction. À force de s’échapper à eux-mêmes ils finiroient par ne plus se retrouver.

Le talent et l’habitude de la société servent beaucoup à faire connoître les hommes : pour réussir en parlant, il faut observer avec perspicacité l’impression qu’on produit à chaque instant sur eux, celle qu’ils veulent nous cacher, celle qu’ils cherchent à nous exagérer, la satisfaction contenue des uns, le sourire forcé des autres ; on voit passer sur le front de ceux qui nous écoutent des blâmes à demi formés qu’on peut éviter en se hâtant de les dissiper avant que l’amour-propre y soit engagé. L’on y voit naître aussi l’approbation qu’il faut fortifier, sans cependant exiger d’elle plus qu’elle ne veut donner. Il n’est point

  1. Supprimé par la censure sous prétexte qu’il y avoit, tant de bonheur à Paris maintenant qu’on n’avoit pas besoin de s’en passer.