Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
98
DE L’ALLEMAGNE

d’arène où la vanité se montre sous des formes plus variées que dans la conversation.

J’ai connu un homme que les louanges agitoient au point que, quand on lui en donnoit, il exagéroit ce qu’il venoit de dire et s’efforçoit tellement d’ajouter à son succès, qu’il finissoit toujours par le perdre. Je n’osois pas l’applaudir, de peur de le porter à l’affectation et qu’il ne se rendît ridicule par le bon cœur de son amour-propre. Un autre craignoit tellement d’avoir l’air de désirer de faire effet qu’il laissoit tomber ses paroles négligemment et dédaigneusement. Sa feinte indolence trahissoit seulement une prétention de plus, celle de n’en point avoir. Quand la vanité se montre, elle est bienveillante ; quand elle se cache, la crainte d’être découverte la rend amère, et elle affecte l’indifférence, la satiété, enfin tout ce qui peut persuader aux autres qu’elle n’a pas besoin d’eux. Ces différentes combinaisons sont amusantes pour l’observateur, et l’on s’étonne toujours que l’amour-propre ne prenne pas la route si simple d’avouer naturellement le désir de plaire, et d’employer autant qu’il est possible la grâce et la vérité pour y parvenir.

Le tact qu’exige la société, le besoin qu’elle donne de se mettre à la portée des différents