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DE L’ALLEMAGNE

par la fumée, les églises gothiques semblent préparées pour les contes de sorcières ou de revenants. Les villes de commerce, en Allemagne, sont grandes et bien bâties mais elles ne donnent aucune idée de ce qui fait la gloire et l’intérêt de ce pays, l’esprit littéraire et philosophique. Les intérêts mercantiles suffisent pour développer l’intelligence des Français, et l’on peut trouver encore quelque amusement de société, en France, dans une ville purement commerçante ; mais les Allemands, éminemment capables des études abstraites, traitent les affaires, quand ils s’en occupent, avec tant de méthode et de pesanteur, qu’ils n’en tirent presque jamais aucune idée générale. Ils portent dans le commerce la loyauté qui les distingue ; mais ils se donnent tellement tout entiers à ce qu’ils font, qu’ils ne cherchent plus alors dans la société qu’un loisir jovial, et disent de temps en temps quelques grosses plaisanteries, seulement pour se divertir eux-mêmes. De telles plaisanteries accablent les Français de tristesse ; car on se résigne bien plutôt à l’ennui sous des formes graves et monotones, qu’à cet ennui badin qui vient poser lourdement et familièrement la patte sur l’épaule.

Les Allemands ont beaucoup d’universalité