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BERLIN

pas plus d’intérêt à Berlin qu’à Vienne : on doit trouver même dans tout ce qui tient aux manières plus d’usage du monde à Vienne qu’à Berlin. Néanmoins la liberté de la presse, la réunion des hommes d’esprit, la connoissance de la littérature et de la langue allemande, qui s’étoit généralement répandue dans les derniers temps, faisoient de Berlin la vraie capitale de l’Allemagne nouvelle, de l’Allemagne éclairée. Les réfugiés français affoiblissoient un peu l’impulsion toute allemande dont Berlin est susceptible ; ils conservoient encore un respect superstitieux pour le siècle de Louis XIV ; leurs idées sur la littérature se flétrissoient et se pétrifioient à distance du pays d’où elles étoient tirées ; mais en général Berlin auroit pris un grand ascendant sur l’esprit public en Allemagne, si l’on n’avoit pas conservé, je le répète, du ressentiment contre le dédain que Frédéric avoit montré pour la nation germanique.

Les écrivains philosophes ont eu souvent d’injustes préjugés contre la Prusse ; ils ne voyoient en elle qu’une vaste caserne, et c’étoit sous ce rapport qu’elle valoit le moins : ce qui doit intéresser à ce pays, ce sont les lumières, l’esprit de justice et les sentiments d’indépendance qu’on rencontre dans une foule d’individus de toutes